Financement : le « prêt à la pierre », une idée surprenante RÉNOVATION


Pour tenter d’accélérer les rénovations énergétiques, une nouvelle piste apparaît : un crédit rénovation qui ne serait lié non plus au propriétaire, mais au bâtiment.

Par JEAN-CHRISTOPHE DE WASSEIGE (Le Soir Immo)

Les rénovations énergétiques de nos maisons et appartements constituent un chantier gigantesque. 

On estime que 3 millions de logements dans le pays sont mal isolés (sur un parc de 5,7 millions). Or le processus patine. Les propriétaires se remettent à peine de la vie chère et de la flambée des prix des matériaux. Les primes des Régions ne séduisent pas autant qu’espéré. Certes, la Wallonie a annoncé une revalorisation des siennes en mars. Mais, globalement, elles restent compliquées à comprendre, et encore plus longues à recevoir. Enfin, les crédits rénovation des banques, bien qu’en hausse, ne sont pas à la portée de tous.

Alors, que faire pour accélérer le mouvement, pour dégager des financements suffisants ? 

C’est ici qu’une idée commence à percer : le « prêt à la pierre ». 

Il s’agit d’un crédit à la rénovation d’un genre particulier. Il ne serait plus lié au propriétaire, mais à la maison ou à l’appartement. Bref, aux briques. 

D’où le nom. « Ce prêt serait de très longue durée », explique un de ses promoteurs en Belgique, Thierry Laureys, fondateur de la coopérative Corenove qui aide des communes à concrétiser des projets d’efficacité énergétique. « Il s’étalerait sur 60 ans pour l’isolation de l’enveloppe (toit, murs, sols, portes, fenêtres) et sur 25 ans pour le changement duchauffage aux carburants fossiles (remplacé en ville par une ventilation double flux, une pompe à chaleur et une installation photovoltaïque). Pour que cela fonctionne, il faut évidemment lever l’interdiction légale des prêts immobiliers de plus de 30 ans. » Un obstacle qu’il faudra lever.

Le premier avantage est que de l’argent est disponible immédiatement et que les travaux d’ampleur peuvent démarrer sans tarder. « Pour agir efficacement d’un point de vue climatique », note Thierry Laureys, « il faut viser d’emblée un label PEB élevé. Pour certaines maisons vétustes, cela signifie quasiment tout changer… » 

Les montants empruntés seraient donc conséquents.

 « Ils s’élèveraient en moyenne à 80.000 euros pour l’enveloppe et à 36.000 euros pour les systèmes », chiffre-­t-­il. 

« Ces estimations ont été réalisées sur la base «  des 2.000 chantiers que Corenove a enclenchés depuis juin 2018. » Le propriétaire d’aujourd’hui commencerait à rembourser ce prêt inédit. Lorsqu’il revendra son bien, ce prêt resterait attaché aux murs et serait repris par le nouvel acquéreur. Et ainsi de suite, jusqu’au remboursement définitif à la banque. 

« Pour les mensualités, les occupants successifs bénéficieraient des économies d’énergie procurées par les travaux », poursuit Thierry Laureys.

« Par exemple, une maison transformée ne serait plus dépendante des prix du gaz ou du mazout. 

D’où un allégement des factures d’énergie. Surtout, ce système permettrait à une population d’envisager une rénovation qui, sinon, lui serait interdite soit parce qu’elle est paupérisée, soit parce qu’elle est trop âgée et donc inéligible pour un prêt bancaire. » L’inconvénient, à ce stade, est que le propriétaire ne peut plus espérer une plus­value lors de la revente, la banque veillant à ce que la cession se fasse au prix du marché. Cette dernière doit en effet garder la valeur des travaux comme garantie au crédit rénovation accordé. C’est un des obstacles qu’il faudra lever car l’habitude du Belge est d’essayer de valoriser son bien au maximum. Le gestionnaire de Corenove en est conscient, mais pense que les mentalités vont changer :

 « Il n’y a plus vraiment le choix. D’ailleurs, vu l’urgence climatique, même des économistes qui défendaient autrefois la liberté totale des marchés pensent aujourd’hui que des encadrements sont inévitables. » Dernière précision : ce système serait mené à large échelle. En multipliant 3 millions de logements mal isolés par 116.000 euros de rénovation moyenne, on arrive à un total de 348 milliards d’euros à prêter. Un effort beaucoup trop lourd pour les banques (qui, avant d’accorder du crédit, doivent récolter des dépôts) comme pour les pouvoirs publics (qui sont déjà lourdement endettés). Comment faire, dès lors ?

 « Dans un premier temps, une partie des fonds pourrait provenir de la Banque européenne d’investissement », détaille notre interlocuteur. « Ensuite, il reviendrait à la Banque centrale européenne d’intervenir. En tant que gardienne de l’euro, elle a la possibilité de créer de la monnaie, de mettre des liquidités à disposition. Elle l’a déjà fait pour sauver les banques. Alors, pourquoi pas pour améliorer nos logements. »

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